mars 24

L’art équestre, ou l’art de régir les forces du cheval.

L’art équestre ne doit pas être compris avec une connotation « artistique », ce qui est à contrario bien souvent le cas.

Si je consulte la définition du dressage issue de « Wikipédia », j’y trouve :

« …Le dressage voit dans son aboutissement le mythe du centaure, ne faire qu’un avec sa monture. Le cavalier recherche l’harmonie avec son cheval. Le but premier est de rendre les chevaux agréables dans leur spécialité. Quelle que soit sa discipline de sport équestre, le cavalier s’adonne au dressage pour se lier à sa monture»

Pour faire allusion à bien des auteurs, je pense qu’en priorité, concernant l’équitation, il faut savoir précisément ce que l’on cherche!

A commencer par monter à cheval : il me semble qu’il faille s’interroger sur ce que l’on en attend, ce qui motive, bref se poser la question du pourquoi, à notre époque, apprendre à monter à cheval ? En quoi le cheval nous attire ?

Là, je ne peux que me référer à mes propres motivations et je me limiterai à dire : « …retrouver en selle la prestance, l’aisance, la souplesse, la noblesse, la grâce, …, tout ce qui m’émeut chez un cheval libre, naturel…, en sorte que sous les directives invisibles de son cavalier, un tiers observateur ne retienne que le la beauté du cheval… qui suit scrupuleusement les consignes de son cavalier… »
Je ne m’attarderai pas sur l’état d’esprit et encore moins sur la subjectivité de « la beauté » du cheval en mouvement, ou encore des aspects esthétiques et philosophiques de l’Art Équestre … ce qui m’amène à placer la compétition à part, incompatible avec l’art au sens d’expression artistique ; si la technique peut être jugée, la subjectivité détourne l’impartialité d’un jugement artistique.
Ceci dit, il ne faut pas oublier que l’art équestre est avant tout l’art de régir les forces du cheval.

Il apparaît que le cheval portant son cavalier se trouve sous plusieurs contraintes : le poids de celui-ci et sa maladresse au sens où le cavalier gêne souvent la gestuelle du cheval par son manque d’aisance en selle d’une part, et la difficulté du fait de devoir se faire comprendre d’autre part.

Avec du recul, je pense que ces maladresses sont à l’origine de la majeure partie des difficultés rencontrées.

Concrètement, pour monter à cheval il faut donc non seulement éduquer et préparer physiquement le cheval, mais il faut aussi que le cavalier devienne … homme de cheval en développant son aisance en selle et en maîtrisant un « langage » qui lui permette de se faire comprendre du cheval ; je fais allusion ici à la mise en selle et au langage des aides. En demeurant conscient de l’importance prioritaire de la mise en selle qui permet au cavalier de se lier aux mouvements du cheval sans le gêner, sans l’entraver ; et c’est seulement avec cette aisance que le cavalier pourra développer la précision de ces aides ! Donc, dans l’ordre, il faut développer la mise en selle pour un emploi cohérent des aides. Plus l’aisance se développe, plus le tact et l’à propos s’affinent. Là se trouve un vaste domaine de recherche au sens où ce degré de « ressenti » n’est pas « figé », au contraire ; il se développe et s’améliore au fil des ans sans avoir de limite.

Pour développer ce tact équestre, il devient évident que le cavalier doit avoir des connaissances théoriques solides associées à une grande pratique. En effet, ces deux aspects sont complémentaires et indissociables.. J’insiste sur ce fait, la théorie est associée à la pratique, et c’est tant mieux ! Révolue, l’époque moyenâgeuse où les chevaliers sont pour la plupart incultes, ne savent bien souvent ni lire ni écrire ! Disons que la Renaissance fait office de révolution en matière de culture, et c’est tant mieux !

MAIS…, à contrario, être cultivé sans pratiquer soi-même n’est guère mieux, voire pernicieux ! Je ne crois pas que l’équitation puisse être du domaine de la théorie OU de la pratique, et encore moins n’être que du domaine de la théorie ! Les deux sont liés, c’est indéniable, mais la pratique demeure prioritaire.
En équitation, il faut être conscient que celui qui n’a pas ressenti … ne sais pas (J.-C. Racinet).
Celui qui ne pratique pas ne devrait pas avoir « matière au chapitre » ! Ce n’est pas pour rien que le général L’Hotte exprimait le fait que « les livres n’instruisent que ceux qui savent déjà ».
Un cavalier « cultivé » sans pratique ne peut être qu’un « pseudo-cavalier ». C’est malheureusement ce que notre XXIème siècle véhicule par le biais d’internet… Comme si le fait d’être cultivé excluait la pratique dont est issue ce savoir ! C’est « le monde à l’envers », reflet de l’évolution de notre société et sa dangerosité apparaît quand ces « faux-connaisseurs » influencent les apprentis-cavaliers. Tout cela pour mettre en avant que beaucoup de nos enseignants ne pratiquent pas, plus ou peu ce qu’ils enseignent ! Ce qui ne remet par en cause leurs compétences, vu que pour obtenir un brevet d’état, cela suppose des compétences reconnues et validées ; mais il y a matière à s’interroger sur le « contenu » de leur savoir dans un domaine où la pratique prime sur la théorie. Pour faire simpliste, je ferai allusion du « qu’en est-il du forgeron qui ne met pas les pieds dans la forge ? ».

Pour ma part, je ne conçois pas qu’un enseignant d’équitation ne pratique pas, ne soit pas capable de présenter un ou plusieurs chevaux dressés par ses soins, imageant par ces chevaux ses compétences techniques et théoriques sur lesquelles il s’est appuyé pour mener à bien ces dressages. C’est un peu le « chef-d’œuvre » du compagnon dont les compétences sont validées par ses pairs, eux-mêmes experts au sens large du terme.

Pour résumer ces dérives de cavaliers érudits « plus ou moins pratiquants », est mise en évidence leur présomption qu’avoir compris intellectuellement puisse faire office de « réalisation » !
Erreur !
Seules les années de pratique assidue, encadrées par un maître chevronné peuvent amener à maturité le tact équestre. C’est par cet « encadrement » que l’apprenti cavalier va développer son ressenti des gestes sains et justes de ceux qui ne le sont pas. Plus l’élève s’instruit, plus il devient à même de travailler « seul » pendant des laps de temps de plus en plus long, sachant qu’il a toujours la disponibilité de son « maître » pour le guider sur les nombreuses questions qui apparaissent au cours de ses études, et ce bien longtemps après que le maître ait validé le degré d’expertise de son « apprenti » !

Concernant l’enseignement de l’équitation, et du dressage en particulier, une multitude de questions surgissent :

  • Quels sont les cursus d’apprentissages dans nos écoles d’équitation ?

  • L’enseignement « de masse » pose-t-il un problème ?

  • Pourquoi la majorité des cours ne suivent-ils pas un « plan structuré », et si structure il y a, pourquoi n’est-elle pas respectée ?

  • Les écoles d’équitation répondent-elles plus à des phénomènes de société, la compétition étant un de ses reflets ?

  • Comment est défini l’Art Équestre ?

  • La compétition est-elle néfaste à l’Art Équestre ?

  • Doit-on dissocier la compétition de l’Art Équestre, puisque la compétition devait permettre, comme le décrit l’extrait de l’article 419 du règlement de la FEI, « … de préserver l’Art Équestre des altérations auxquelles il peut être exposé et de le conserver dans la pureté de ses principes… » ? Force est de constater que l’on s’est éloigné de ces directives … pour ne parler que de l’article 419.
  • Pourquoi la compétition s’est-elle tant démarquée de l’Art Équestre ?

  • Doit-on considérer plusieurs disciplines sous le terme « dressage » ?

  • Y a-t-il des « maîtres » d’équitation ?

  • Comment envisager les apprentissages équestres sous des rapports de « maître à élève » ?

  • Quels sont les critères permettant de considérer tel ou tel cavalier comme « maître d’équitation » ?

  • … La liste n’est pas exhaustive !

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mars 24

Baucher au XXIème siècle : vers une troisième manière ?

  • Dans le bauchérisme, on est amené à « sentir » la bouche du cheval, comme indication-confirmation de l’état ou non de décontraction ; si la perméabilité n’est pas là, les moyens préconisés par Faverot de Kerbrech consistent à provoquer la mobilité de la mâchoire par la main, partant du postulat que le cheval ne peut pas « résister » dans une partie de son corps s’il a la bouche décontractée. Avec du recul, il s’avère que la décontraction n’est pas totale, et qu’il y a tout lieu à « provoquer » le liant de la mâchoire par des postures qui incitent la perméabilité de la bouche ; encore une fois, la décontraction s’amorce mais n’est pas totale à plus forte raison si la posture ou le mouvement dont découle la posture est obtenu avec plus ou moins de force (par la main ou les jambes ou les deux!).

  • Une autre solution consiste à laisser libre, totalement libre le cheval sans qu’il ne sente la main ni les jambes (la bouche ne doit surtout pas « percuter » la main, et les jambes détendues, relaxées, à peine au contact des flancs). L’assiette se contente d’être « neutre », liante et souple, simplement « accompagnatrice » ; quant à la main, elle « va avec » toutes les oscillations propres à la mécanique de l’allure, qui, si elle en était venue à devenir irrégulière, ne tarde par à retrouver sa régularité naturelle. A ce stade, la main va « influencer » les mouvements du balancier tête-encolure, et ce sur tous les axes : élévation, et fermeture progressive de l’angle de la nuque (à prendre en compte que le moindre effet de main dans cette situation ne doit RIEN prendre sur l’impulsion, d’où l’importance à ne pas faire sentir les jambes pendant que la main agit). On constate dans ce cas que la bouche conserve toute sa perméabilité, c’est à dire que le cheval, par l’intermédiaire de sa bouche, suit la main de son cavalier tant qu’elle n’exige pas des postures « pénibles » n’aboutissant que sur des résistances… c’est au cavalier d’être cohérent quant à ces exigences, et progressif dans la reconstruction posturale du cheval sous son cavalier.

  • La légitimité du processus décrit dans le point précédent revient de droit à P. Franchet d’Esperey, processus mis en application et développé par plusieurs d’entre-nous, permettant ainsi de « faire remonter l’information » pour développer cette recherche de flexibilité d’une part, mais surtout développer l’adhésion morale et physique du cheval aux demandes de son cavalier dont la flexibilité découle. La difficulté étant de faire comprendre et admettre au cheval la « reconstruction posturale » nécessaire à sa préservation sous la charge du poids de son cavalier ! C’est à dire ce qui n’a pas de sens pour lui !

  • Dans le point précédent, on a un cheval dont la flexibilité est nettement supérieure à ce que je connais, c’est un fait. Toutefois, un piège, et de taille, est à éviter : par flexibilité, liant, souplesse, bon nombre de cavaliers se laissent berner par la nonchalance ! Visuellement, le cheval ainsi manié renvoie l’image d’être très « laxe », mais en fait, il est en sous-impulsion. Je pense que l’on ne doit pas oublier les directives du général L’Hotte : calme (disponible, attentif), en avant (IMPULSION non entretenue par le cavalier), et droit ; sans négliger « en avant », ce que Decarpentry nous expose en mentionnant que tout travail sans impulsion est à considérer comme un travail nul !

  • Il faut bien différencier la flexibilité de la nonchalance, la disponibilité dans la décontraction totale ce qui conduit, comme l’a fait remarquer Beudant, à une augmentation de l’impulsion. Aussi surprenant que cela paraisse, décontracté, proche d’un équilibre parfait, sans soutien, l’impulsion augmente et peut surprendre le cavalier ! Je crois que de là naît l’impulsion « supérieure » nécessaire aux allures d’école, rassemblées, etc…, et ceci est valable pour des chevaux des plus « communs » dont on ne soupçonne pas qu’ils soient capables de délivrer cette énergie qui peut surprendre ! Sous la pression continuelle des aides, on ne peut qu’approcher cette qualité d’impulsion sans jamais l’égaler, d’où les nombreuses techniques et outils pour « forcer » cet état qui, au final, ne peut être obtenue qu’avec le bonne volonté du cheval, au sens où on ne peut pas l’obtenir sans « l’accord moral » du cheval. Pour imager, je ferai la comparaison du cheval des plus communs dans sa pâture, placide, soumis à un événement extérieur : il se met à exprimer des allures qu’on ne lui soupçonnait pas. Toute la difficulté réside à lui permettre de restituer ce « brillant » sous les directives de son cavalier…, et quand ce brillant s’exprime, à ne pas l’entraver !

  • Ces quelques points me conduisent au fait que cette équitation ne peut pas être l’équitation de « tout le monde », au risque de choquer ou de blesser bien des cavaliers mais je crois qu’il en va pour cette forme d’équitation comme pour d’autres activités (la musique, la danse, les arts plastiques, etc…), où rien ne peut être entrepris avec des chances de réussite sans avoir quelques aptitudes !

mars 24

D’un point de vue comportemental

  • Gérer les tensions du cheval.

    • Faire bouger le cheval sans bouger soi-même.

    • Dans une direction donnée.

    • À l’allure choisie.

    • À la vitesse choisie.

  • Respecter l’ordre chronologique des quatre points précédents.

  • Observer le cheval et agir (ou pas) en conséquence.

  • Agir le moins possible pour obtenir du cheval le plus possible.

  • L’intention prime sur l’action : chaque action doit être précédée d’une intention, et cette action ne doit se faire sentir que si l’intention ne donne aucune réaction (ou peu de réaction) du cheval. L’action n’est que le prolongement de l’intention. En terme de « communication », elle est plus « grossière » que l’intention…

  • Je suis toujours surpris, après tout ce temps, de la puissance de l’intention. Combien de fois je suis resté étonné de voir un cheval se mettre dans un mouvement dont je n’avais eu qu’une visualisation, une intention. Je ne sais comment les choses se transmettent, mais je suis sûr qu’elles sont transmises. Et ce aussi bien avec des chevaux que je ne connaissais pas. Quant aux miens, ils me surprennent toujours autant par leur finesse dans leur façon de « décoder » mes intentions.

  • Aussi fines que soient les actions, je reste persuadé qu’elles peuvent s’atténuer jusqu’à devenir « invisibles ». C’est probablement ce que les Anciens appelaient des aides « secrètes ». Pour y parvenir, c’est forcément par la communication « mentale » renforcée par une action physique si besoin est que le cavalier se fait comprendre du cheval. De même que les chevaux entre eux communiquent, le cavalier doit chercher à communiquer sans actes physiques. C’est tout du moins un objectif à atteindre. Donc l’emploi d’aides « physiques » doivent, dès le début d’une relation avec le cheval, être les plus faibles possible avec pour objectif de s’en passer complètement, de les rendre inutiles par des intentions « fortes ». Et quand les intentions suffisent, on cherche à avoir des intentions de plus en plus faibles ; je reprend une expression que j’emploie au cours de mes stages : il n’y a pas besoin de crier, ni de parler fort pour être entendu. C’est bien souvent le contraire : en parlant avec une intonation faible, on a plus de chance d’être écouté sans saturer l’attention de l’autre.

  • L’avis de Guillaume me serait bien précieux sur le sujet du point précédent.

  • Le comportement du cavalier, sa façon d’être dans l’instant présent conditionne la relation qui s’établit avec le cheval. Il faut être là, maintenant. La relation qui se développe avec le cheval découle de la « façon d’être au monde » de son cavalier. Aucune tricherie possible avec le cheval, il nous perçoit tels que nous sommes. D’où des dérives comportementales lorsque nous ne sommes pas pleinement dans ce que nous faisons, lorsque nous sommes « tracassés », malades, affaiblis pour quelque raison que ce soit, bref, lorsque nous ne sommes pas complètement disponibles, à ce que nous faisons.

  • Plus je manipule de chevaux, plus je suis convaincu que notre notre affaire d’équitation est de l’ordre de la communication. Bien sûr, il faut un minimum de « technique équestre » associée à une bonne mise en selle, mais cette technique seule ne peut pas remplacer une vision comportementale axée sur la communication. Si ce fait est occulté, on demeure dans des exercices gymnastiques purement mécaniques…qui font que le cheval ne se livre jamais complètement, où il demeure toujours un tant soi peu de « retenue ». Bref, on n’acquiert jamais « tout le brillant que comporte son ensemble ». Pour reformuler différemment, je ferai allusion à Philippe Karl qui énonce le fait que l’on doive chercher « un cheval qui fait oui avec une tête qui dit oui, et non un cheval qui fasse oui avec une tête qui dise non » !

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mars 24

Réflexions diverses

  • A noter que pour prétendre à une grande discrétion des aides, une assiette s’approchant de la perfection est indispensable. D’où l’importance à mettre sur cet apprentissage corporel ; son développement, son entretien et son perfectionnement doivent faire partie intégrante des exercices gymnastiques quotidiens du couple cheval-cavalier. Il est dommageable que la majeure partie des cavaliers ne pensent qu’aux assouplissements de leurs chevaux, passant outre leur responsabilité à tout mettre en œuvre pour être lié le plus possible à la « mécanique des allures » de leur cheval.

  • Au-delà d’un emploi judicieux de ses aides, par une assiette liante et souple, le cavalier se donne les meilleures chances de ne pas gêner la gestuelle de son cheval. Plus le cavalier se lie au corps du cheval, plus le cheval peut exprimer le brillant de ses allures. C’est une quête sans fin car l’homme, spontanément, n’a pas l’aisance indispensable qui lui permette d’accompagner les gestes du cheval sans le gêner, sans l’entraver.

  • Des constats précédents, je ne peux que m’interroger sur l’abandon, dans de nombreuses écoles d’équitation pour ne pas dire la majorité d’entre elles, de la recherche de la bonne posture du cavalier, au même titre que les exercices physiques d’assouplissements qui permettent d’acquérir et de développer l’assiette du cavalier. Doit-on passer pour un nostalgique d’une époque révolue pour autant ?

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mars 24

Réflexions sur les idées de fond

  • S’assurer qu’il n’y a aucune résistance, aucune opposition dans le corps du cheval à la moindre sollicitation des aides du cavalier.

  • Il faut sentir que le cheval va avec le mouvement qui lui est demandé, que ce mouvement est toléré et admis par le cheval, pour qu’au final il poursuive de lui-même le mouvement. Dans ces conditions, les aides deviennent « suggestives » ce qui donne au cheval des options de choix, de raisonnement en sollicitant son intelligence.

  • Par conséquent, il faut être sûr que ce qui est demandé est « faisable » par le cheval… tant d’un point de vue de la compréhension que de la réalisation.

  • En d’autre termes, il faut s’assurer que le cheval participe volontairement à ce qui lui est demandé, comme un partenaire « complice », volontaire, qui remplit son rôle au sein d’un binôme. Cette place au sein de ce binôme doit être acceptée par le cheval qui ne doit pas s’y sentir contraint, car dans ce cas, le cheval ne se livre jamais tout à fait ; il demeure toujours une retenue aussi minime soit-elle, ce qui l’empêche de se livrer totalement sans pouvoir exprimer « tout le brillant » dont la nature l’a doté.

  • Pour être sûr que le cheval accepte le mouvement demandé, on doit s’assurer de ne plus faire sentir les aides (descente des aides) et laisser le cheval finir le mouvement de lui-même.

  • Si le cheval n’y parvient pas, c’est que des résistances (contractions volontaires ou non) apparaissent et là, il s’agit de les « supprimer » en décontractant le cheval, en supprimant les tensions, qu’elles soient physiques ou mentales, ou les deux !

  • Les contractions, résistances, oppositions, sont ressenties par la main lorsqu’elle « sent la bouche ». Il me semble qu’à ce moment là, il est déjà trop tard : ces contractions se manifestent bien souvent d’abord dans l’assiette du cavalier qui doit dès ce stade chercher, par les moyens qu’il connaît, à les réduire, à les supprimer, à les « détruire » pour reprendre l’expression de Baucher ; par contre, je ne crois pas qu’il faille comprendre par le fait de vouloir la destruction des résistances d’employer des moyens qui permettent d’y parvenir en utilisant la force physique ; on ne cherche pas à détruire une opposition, une résistance, en lui opposant une force « supérieure », mais en cherchant à l’isoler localement, puis à la supprimer par des manipulations douces, appropriées, ciblées sur la zone de résistances. Le demi-arrêt ou la vibration génèrent, avec du recul, une amélioration à condition d’avoir la main de Baucher, Beudant, Faverot, etc…ce qui n’est pas le cas de tout le monde ! A bien y regarder, accéder à la bouche pour supprimer des contractions risque d’engendrer plus de désordre qu’autre chose. Ce qui implique du cavalier qu’il ait développé son assiette en sorte qu’elle soit « intelligente », sensible, réceptrice. L’assiette et le dos du cavalier sont, au même titre que le dos du cheval, des « émetteurs/récepteurs ». Qu’en est-il de notre époque où la mise en selle n’est guère d’actualité !

  • Quelle que soit l’action du cavalier sur le cheval, celle-ci doit être admise par lui et il faut chercher à ce qu’il y réponde sans aucune opposition ; le cheval doit être « acceptant » ce qui implique du cavalier qu’il assume pleinement ses responsabilités ! Je crois même que le cheval doit donner la sensation d’aller « de lui-même » au devant de la demande de son cavalier, de donner le mouvement demandé avant que les aides ne se soient complètement exprimées.

  • Concrètement, il faut avoir la sensation que le cheval suit la main (comme les jambes) sans aucune retenue, mais surtout, si retenue ou opposition ou résistance il y a, il s’agit de ne pas (surtout pas) durcir l’aide, ne pas augmenter son effet ; il s’agit dans cette situation de ne plus la faire sentir, puis de s’arrêter, de s’interroger sur la cause de cette résistance et de chercher le moyen de la supprimer. Je pense que c’est ce qu’il faut comprendre par « décomposer la force et le mouvement ».

  • Quand le cheval a suffisamment « d’expérience », on cherche à réduire la moindre résistance sans passer par l’arrêt, en restant dans le mouvement et c’est, je crois, une des causes qui font que la succession des difficultés imposées par les protocoles de dressage font de la compétition un « non-sens » de cette forme d’équitation… à moins d’avoir un cheval particulièrement « doué » et particulièrement bien monté !

  • Le cheval doit faire jouer tous ses « ressorts » de façon homogène sans avoir aucun appui aux aides de son cavalier, car si appui il y a, c’est que l’on est en « rupture d’équilibre ». Ses ressorts doivent « jouer » les uns par rapport aux autres, et non sur une butée « fixe » ; le cheval n’est pas tenu, il demeure en équilibre SEUL, sans aucun soutien et à plus forte raison sans soutien « continu », sans quoi on entre dans un travail de « mise sur la main » avec les dérives de l’équitation actuelle, « mondialisée » , bien éloignée (pour ne pas dire à l’opposé) de ce que le comte d’Aure avait instauré à Saumur à l’époque de Baucher. Deux concepts qui s’opposent, mais deux finalités identiques… Concernant le comte d’Aure, bien des cavaliers ont confondu soutien et appui…

  • Dans le bauchérisme, la mise en main prime sur toute demande du cavalier, qu’elle soit obtenue par la main seule ou par la création de mouvements et de postures judicieux qui « provoquent » la mise en main. Encore faut-il que le cavalier soit suffisamment instruit pour dissocier mise en main de mise sur la main ! Je retrouve souvent chez les cavaliers bien des confusions sur les termes équestres…qui me fait dire qu’internet ne peut pas tout faire… A ce sujet, je constate que notre époque voit apparaître une multitude de cavaliers qui, parce qu’ils savent ou croient savoir, se considèrent dispensés de … savoir-faire ! Et comme si cela ne suffisait pas(!), certains provoquent des échanges verbaux interminables bien stériles au cours desquels beaucoup confondent savoir et savoir-faire. Il ne faut jamais oublier qu’en équitation, celui qui n’a pas ressenti ne sait pas (Jean-Claude Racinet) !

  • Certains cavaliers voient dans l’équitation une quête d’ordre esthétique et « moral » au sens où il s’agit de retrouver la grâce, l’aisance, la beauté du cheval « libre » sous les aides invisibles de son cavalier ayant obtenu l’adhésion totale et inconditionnelle du cheval, adhésion volontaire physique et morale.

  • Du point précédent, on retrouve des caractéristiques de l’équitation de tradition française issue de la Renaissance, et dès Pluvinel (XVIème), il est fait mention de cette recherche très importante sur le moral et la bonne volonté du cheval qu’il faut acquérir (…elle est comme la fleur sur le fruit, laquelle ôtée ne retourne jamais…) sans quoi son développement physique n’est pas « complet » ! Comme quoi, la « tradition » n’est pas toujours ce que l’on croît, d’autant que bien peu d’hommes de chevaux s’y sont « attaché » pour la transmettre intacte… sans oublier que biens des cavaliers ont maltraité leurs chevaux au nom de la tradition ! Par contre, cette transmission permet aux jeunes cavaliers de s’en imprégner, de la comprendre, la maîtriser, et la faire évoluer (il en va de même d’un ordre plus général au sens où nous cherchons à connaître et comprendre notre passé pour pouvoir envisager l’avenir…).
    Il y a matière à citer un ancien écuyer en chef : «…le culte de la tradition n’exclut pas l’amour du progrès… », en étant attentif au fait que le progrès concerne directement l’intégrité du cheval dans son développement qui, à notre époque comme à celle de Pluvinel, ne doit pas asservir le cheval mais en faire un partenaire. Tout le monde sait (ou devrait savoir) qu’un cheval obéissant, soumis sous les contraintes tant physiques que morales, ne se livre jamais complètement, n’exprime jamais pleinement la beauté de ses gestes et allures tel qu’il le fait en liberté. Je crois qu’est précisément là toute la difficulté de l’art équestre poussé vers ce qui a été codifié comme entrant dans la haute école, l’équitation savante, etc…, et à plus forte raison dans notre patrimoine culturel équestre où il s’agit de renvoyer l’image du cheval « qui manie comme de lui-même », sans l’intervention de son cavalier ; cela suppose la plus grande discrétion de ce cavalier dont les aides sont devenues invisibles associées à une posture reconnaissable. Cet état d’esprit est encore cité à l’étranger comme étant « la difficile facilité » de l’équitation à la Française ! Quand on voit ce que l’on voit de nos jours, il y a matière à s’interroger sur son « devenir »…

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